Etude clinique de Phase II en France
Hybrigenics Pharma a conduit en France une étude clinique de Phase II de l’inécalcitol par voie orale chez des patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC) déjà stabilisée sous traitement oral par imatinib depuis plus de deux ans. Le paramètre quantitatif prédictif de l’efficacité des inhibiteurs de la kinase BCR-ABL comme l’imatinib est la diminution de l’expression du gène de fusion BCR-ABL : une réduction de 3 logs (1000 fois) est appelée réponse moléculaire majeure (RMM) et une réduction de 4,5 logs (31623 fois) réponse moléculaire profonde (RMP). Entre les niveaux de RMM et de RMP, la maladie est considérée comme sous contrôle, mais nécessite une administration quotidienne en continu. Quand le niveau de BCR-ABL se situe en-dessous du niveau de RMP depuis longtemps, la LMC résiduelle est suffisamment minime pour que l’arrêt du traitement puisse être envisagé et la guérison fonctionnelle atteinte chez certains patients.
L’étude clinique de l’inécalcitol s’est focalisée sur des patients souffrant de LMC qui, après au moins deux ans de traitement par imatinib, ont atteint le stade de RMM mais pas encore celui de RMP. L’objectif était de leur faire atteindre le stade de RMP en un an de traitement associant l’inécalcitol et l’imatinib. Vingt-deux patients ont été recrutés au total ; vingt ont suivi le traitement pendant un an. Huit d’entre eux (40%) ont montré une diminution supplémentaire du biomarqueur BCR-ABL au-delà de la RMM et, à l’issue de l’année de traitement, quatre patients (20%) ont montré une réduction supérieure à la RMP, c’est-à-dire des traces indétectables du biomarqueur BCR-ABL. A titre de comparaison, au bout d’un an de traitement sous imatinib seul, la part des patients atteignant le stade de RMP est de seulement 7,5% en moyenne, tel que rapporté de façon cohérente dans deux études indépendantes (Hochhaus et al., Leukemia, 2016 ; Cortes et al., Journal of Clinical Oncology, 2016). L’étude a été coordonnée par le Pr. H.-A. Johnson-Ansah du CHU de Caen.
Résultats pré-cliniques
L’inécalcitol inhibe la prolifération des cellules souches et des progéniteurs de LMC isolés chez des patients au moment du diagnostic et cultivés in vitro, mais pas celle des cultures de cellules souches et des progéniteurs myéloïdes normaux isolés chez des volontaires sains. De plus, une forte synergie inhibitrice a été observée in vitro en association avec l’imatinib, l’inhibiteur de la tyrosine-kinase BCR-ABL de première génération et traitement de référence de la LMC, tout comme avec le dasatinib ou le nilotinib, deux autres inhibiteurs de la kinase BCR-ABL de génération plus récente.
Description de la maladie
La LMC est une leucémie orpheline de l’adulte. Aux Etats-Unis en 2016, 8.220 nouveaux cas ont été diagnostiqués, un total d’au moins 36.700 patients vivaient avec la maladie et environ 1.070 sont morts de LMC ; le taux de survie à 5 ans est de 63% (LLS Cancer Facts & Figures, 2016). Le nombre annuel de nouveaux cas est estimé à 810 en France (Francim 2013). En Europe, l’incidence est de 1,02 nouveau cas par an pour 100.000 habitants (EuTOS, 2014). La LMC est reconnue réglementairement comme maladie orpheline en Europe, au Japon et aux Etats-Unis.
La leucémie myéloïde chronique est une forme de cancer qui prend naissance dans la moëlle osseuse, puis gagne le sang et envahit d’autres parties du corps, comme la rate. La LMC évolue lentement au début mais, sans traitement, dégénère en phases aiguës (« blastiques ») similaires à la LMA, avec anémie, troubles de la coagulation ou absence de défense contre les infections. La LMC se caractérise par une surproduction de tous les types de globules blancs (sauf les lymphocytes) à partir d’une seule cellule souche initiale qui échappe à toute régulation.
Chez tous les patients atteints de LMC, cette perte de contrôle cellulaire provient du même « échange de morceaux » de chromosomes («translocation» entre les chromosomes numéros 9 et 22) qui produit un gène de fusion appelé BCR-ABL. La protéine Bcr-Abl issue de ce gène est une tyrosine-kinase hyperfonctionnelle qui stimule en continu la prolifération cellulaire. Les inhibiteurs de la tyrosine-kinase Bcr-Abl, tels que l’imatinib, le dasatinib, le nilotinib ou le ponatinib, sont utilisés comme médicaments pour traiter la LMC, et les produits de transcription du gène BCR-ABL comme biomarqueurs de la concentration sanguine résiduelle des cellules de LMC.